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Rabbi Feuillet hebdomadaire
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Paracha « Vaïkra »,

N° 504 Paracha « Vaïkra », 8 adar b 5765 ב »ה
RAV DOV BIGON
CECI ETANT

« CE FUT LE CONTRAIRE QUI EUT LIEU,
DE LA CONSTERNATION A LA JOIE »

« Lire la « Méguila » (le Livre d’Esther) en son temps est un commandement positif qui émane de nos Sages. Tout le monde y est astreint… même les Cohanim qui officient s’interrompent et vont l’écouter. De même, on suspend l’étude de la Thora pour aller l’écouter, ce qui vaut à plus forte raison pour les autres commandements. (Maïmonide, « Hilkhot Méguila » I, 1). La raison de cette exigence, « Publier le miracle ». On doit étudier et avoir à l’esprit les miracles accomplis par Dieu à Pourim pour notre peuple « en ce temps-là » comme au nôtre (d’après Rituel des Prières).
Essentiellement, le miracle résidait dans l’abrogation du décret d’extermination des Juifs qu’Haman avait institué. Il puisa « dix mille kikars d’argent » (Es. III, 9) du trésor royal pour soudoyer les responsables de la justice et du pouvoir afin de s’atteler à l’entreprise nationale de la plus haute importance : l’extermination des Juifs, et prescrit même un plan et un calendrier d’exécution (cf. Es. III. 13). Les Juifs étaient dans la consternation et les non Juifs en liesse, ils pensaient déjà au pillage (cf. « Targoum », traduction de la Bible en araméen à valeur exégétique).
En réaction au décret, Mordékhaï recourut à plusieurs stratégies. D’abord, on devait prier : « Ayant eu connaissance de tout ce qui s’était passé, Mordékhaï déchira ses vêtements, se couvrit d’un cilice et de cendres et parcourut la ville en poussant des cris véhéments et amers » (Es. IV, 1). Ensuite, il ordonna à Esther d’intercéder auprès d’Assuérus pour qu’il abroge le décret. Sentant qu’elle cherche à se dérober, il la réprimande sévèrement et même la menace : « Car si tu persistes à garder le silence à l’heure où nous sommes, la délivrance et le salut surgiront pour les Juifs d’autre part, tandis que toi et la maison de ton père vous périrez. Et qui sait si ce n’est pas pour une conjoncture pareille que tu es parvenue à la royauté ? » (ibid. IX, 14). La reine accepte en lui demandant d’instituer des prières et un jeûne publics en sa faveur : « Va rassembler tous les Juifs présents à Suse, et jeûnez à mon intention » (ibid. ibid., 16). Elle le convainc en faisant valoir : « Comment pourrais-je être témoin de la calamité qui atteindrait mon peuple, et comment pourrais-je être témoin de la ruine de ma nation (ibid. VIII, 6) ? ». Avec l’aide de Dieu, par l’esprit de sacrifice absolu d’Esther et de Mordékhaï, le décret fut abrogé, « ce fut le contraire qui eut lieu, les Juifs allant, eux, prendre le dessus sur ceux qui les haïssaient (ibid. IX, 1) « et la ville de Suse fut dans la jubilation et dans la joie » (ibid. (ibid. VII, 15).
Ceci étant – L’événement de Pourim est bien connu. Constamment, il réapparaît sous diverses métamorphoses, comme à présent. Toute proportion gardée, le décret de Sharon d’expulser des Juifs de chez eux et de détruire leurs maisons n’est pas sans rappeler celui d’Haman et d’Assuérus. Tout comme le leur, le sien sera également abrogé grâce à l’esprit de sacrifice des descendants spirituels de Mordékhaï, les habitants de la Judée Samarie et de la région de Gaza qui, quotidiennement, se vouent corps et âme à leur peuple et à leur Terre, suivis par des dizaines de milliers de Juifs, d’Israël et du monde entier, qui dans les synagogues et dans leur for intérieur, prient de tout leur cœur pour que l’Eternel abroge ce mauvais décret. Dans un consensus quasi général, les Sages les plus éminents du monde juif condamnent le décret de Sharon qui, avec l’aide de Dieu, sera lui aussi abrogé « et, pour les Juifs, ce ne sera que joie rayonnante, contentement, allégresse et marques d’honneurs » (d’après ibid. XVIII, 18).


RAV SHLOMO AVINER
UN TEMPS POUR ETREINDRE


« Un temps pour étreindre et un temps pour repousser » (Ec. III, 5). « Un temps pour embrasser », que l’atmosphère soit tendue, que l’enfant se débride ou se laisse aller, car le petit, on l’aime tel qu’il est.
D’aucuns argueraient que l’amour dû à notre peuple est sélectif, il ne vaut pas pour « ces gens-là ».Un verset de la Bible dément cette approche. « Tout en lui (dans le peuple d’Israël) respire le charme » (Cant. V, 17), au cas où l’on devrait fonder nos dires sur un verset, car l’exigence vaut même pour ceux qui dansent autour de ce néo Veau d’Or, l’appétit du matérialisme. Moïse a pleinement dévoilé son abnégation lorsqu’il a vu notre peuple idolâtrer cet animal et qu’il a demandé à Dieu de pardonner les coupables ou de supprimer son nom du Livre divin (cf. Ex. XXXII, 32) où sont inscrits ceux qui ont droit au Monde futur, comme l’a expliqué le Rav Kook (Iguéret 555).
Dans cette esprit, durant la dernière année qui a précédé sa mort, le Rav Tzvi Yéhouda rappelait l’épisode dans les cours qu’il donnait à l’issue du Chabbat en soulignant que, « pour garder son calme, Moïse, notre Maître, devait avoir des nerfs d’acier. En manière de testament spirituel, le grand Maître voulait nous faire comprendre que le temps viendrait où nous devrons en avoir aussi.
Suivant son habitude, le Rav parlait de l’amour dû à chaque membre de notre peuple. Il expliquait la différence de nature entre aborder cent ou cent une fois cette question. Dans une intervention, un disciple – Rav déjà connu – demanda pourquoi le Maître revenait constamment sur cette question. Implicitement, il voulait dire qu’on avait compris l’idée et qu’on n’était pas des idiots. Le Maître frappa sur la table, se leva et s’exclama : « Bien au contraire, j’en parlerai constamment, pourvu que si, confrontés à cette épreuve, il vous en reste quelque chose », la puissance de l’étreinte dépendant de la profondeur de la crise.
A titre d’exemple, peut-on penser à pire tragédie que « l’affaire de l’Altaléna ». Des Juifs qui empêchent d’autres Juifs d’accoster en Israël, s’entretuent à l’arme à feu pour la cause d’Eretz Israël et qui se tirent pour la cause sioniste ?! Dans un article (« Méamakim », tiré de « Lïntivot Israël » I 128), le grand Maître écrit en substance que le processus de la Rédemption doit aussi passer par cette tragédie incompréhensible. Mais, d’elle, on apprend l’importance de veiller à fuir ce genre de situation. La culture ambiante, poursuit-il, repose sur l’athéisme et la haine ; « la Thora, au contraire, c’est l’amour » (d’après « Orot », « Orot Haté’hiya », Chapitre XVI). C’est pourquoi on doit faire provision d’amour et de fraternité et, « avec la dernière énergie, rejeter tout ce que l’athéisme et les faiblesses engendrées par la haine ont de vil ». Par la vaillance intellectuelle de savoir se comprendre et se pardonner, nous sanctifierons, dans la fraternité, le Nom de l’Eternel et dissiperons les brumes de la haine dans tout ce qu’elles ont d’étriqué. Avec la Renaissance nationale, une Lumière, grande et nouvelle, resplendira sur Sion ; par elle, nous jouirons de cette bénédiction, la paix (d’après op. cit. 128129).
Lorsque la tension augmente, sache être sage et pas simplement avoir raison ; en aimant, on est plus que dans son bon droit.
Le Rav Tzvi Yéhouda s’opposait inconditionnellement à toute atteinte portée à la nation. Bien plus, le Rav Abraham Isaac Kook écrivait que s’agresser l’un l’autre était le plus grand blasphème » « Maamaré Haréiya », 365).
Lorsqu’un maître veut témoigner sa désapprobation pour un acte répréhensible de son disciple bien aimé, il l’étreint fortement d’une main et, de l’autre, le gifle. Mais si l’on ne sait pas atteindre, on se dispensera de gifler.
Les Sages – les plus grands d’entre eux, en particulier – excellent dans l’art d’étreindre, veillant, par-dessus tout, à préserver l’unité nationale. Ils nous enseignent comment lutter pour Eretz Israël sans utiliser la force. Lors de l’expulsion de Yamite, l’armée a fait venir sur place en hélicoptère deux éminents Rabbins de notre génération pour nous convaincre d’éviter une effusion de sang inutile ; et lorsqu’ils sont repartis, certains jeunes encore plein d’ardeur ont hurlé en leur direction : « Traîtres ! » Loin de l’être, ils avaient agi par amour, conscients de leur responsabilité, ces Sages qui savent l’art d’étreindre. Les jeunes en question le savaient aussi, mais il y a des degrés dans l’étreinte.
Dans un parallélisme entre la Faute du Veau d’Or et la situation présente, on a écrit : « Ne tombez pas dans la faute d’Aaron, le grand Prêtre, qui « aimait la paix et la poursuivait » (avec assiduité) » (Maximes des Pères I, 12 ; citation prise hors de son contexte, v. suite). Prenant le contre-pied (et lisant la « Michna » dans son contexte authentique), nous proclamons à nouveau : « Soyez comme les disciples d’Aaron qui aimait la paix, la poursuivait (avec assiduité, aimait les personnes et les rapprochait de la Thora ».
Commentant cette Maxime, le Rav Tzvi Yéhouda soulignait qu’elle ne disait pas « afin de les rapprocher de la Thora, mais qu’il « aimait » comme fin en soi. De plus, signalait-il, les personnes concernées par l’amour d’Aaron (qu’il fallait rapprocher) étaient, par définition, éloignées de la Thora, les proches n’ayant pas besoin de cette attention. De là, concluait-il, on apprend qu’on doit aimer, comme fin en soi, ceux qui se sont éloignés du Judaïsme, c’est « le temps d’aimer » (d’après Ec. III, 8).

(Traduit et adapté par Maïmon Retbi, spécialisé dans la traduction hébreu/français de sujets « kodèches »).